L'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée & Corse, établissement public de l’Etat, incite et aide, à l’échelle de ses bassins versants, à une utilisation rationnelle des ressources en eau, à la lutte contre leur pollution et à la protection des milieux aquatiques.

lundi 19 mars 2012

L’importance de l’accès à l’eau et à l’assainissement pour les populations défavorisées européennes

Processus Région Europe session n°7
jeudi 15 mars


Cette session trilingue (anglais-français-russe) était organisée par UNECE (Commission Economique des Nations Unies pour l’Europe), par l’OMS et par Solidarité Eau Europe. Elle a été ouverte par Chantal Gatignol et Marie Favrot, fonctionnaires au ministère français de l’Emploi, du Travail et de la Santé, qui ont lancé le thème ‘aucun laissé pour compte’, alors qu’il y a 110 millions de gens en Europe et en Asie Centrale qui n’ont pas encore accès à l’eau et à l’assainissement. Et pourtant, ont-elles ajouté, le droit à l’eau a été reconnu comme droit humain aux Nations Unies. Il faut lutter contre trois grands types de disparités : géographiques et techniques, sociales, économiques.

Le premier cas a été présenté par Vardan Melkonyan, de l’Armenian Water and Sewerage CJSC, Arménie, en partenariat avec la SAUR, qui a un contrat de Gérance de 4 ans renouvelé 3 fois, et qui devrait passer à un affermage. On part d’une situation où l’eau est accessible 6 heures par jour en moyenne, et où seulement 30% des habitants ont un compteur. L’intervention a porté sur les quelque 600 zones non raccordées, et où en général la situation est catastrophique. Les principales actions de la SAUR semblent avoir été d’élever le niveau de service (lutte contre les fuites et allongement de la durée de service) ; d’améliorer la prise de conscience par le public, et donc le pourcentage de gens payant leurs factures (de 35000 à 60000) ; et enfin, de mettre en place un Call center pour accroître la participation du public.

Madame Anara Choitonbaeva, de l’Alliance kirghize pour l’eau et l’assainissement, a ensuite présenté le cas du Kirghizstan : lorsque les fermes collectives ont été privatisées en 1991, le système d’approvisionnement en eau soviétique s’est effondré, et il s’agit d’aider les communautés villageoises à s’auto-organiser (soutien de DFID britannique et de la Banque Mondiale). Un programme de formation a été mis sur pied, pour réunir séparément les femmes, les hommes et les jeunes, afin que davantage de gens prennent la parole ; les comités des Community drinking water users' unions doivent faire davantage d’auto-contrôle. Une tarification forfaitaire par mois a accru le sentiment d’être collectivement propriétaires des systèmes techniques. Cela a permis d’enclencher un élargissement de la problématique à l’ensemble des conditions de vie, et notamment aux services publics d’énergie.

Johanna Huet du SIAAP a rappelé que des populations démunies se trouvent aussi en Île-de-France, une des régions les plus riches d’Europe. L’institution s’est dotée d’un Observatoire des Usagers (OBUSASS) qui permet de préciser l’état des choses. Au niveau national, un dispositif de solidarité sur le logement (le FSL), a été étendu aux services d’eau et d’assainissement, et le SIAAP a pu dégager 300 000, puis 350 000 euros d’aide. Mais le FSL ne permettait d’intervenir que dans des situations d’impayés, donc chez des abonnés individuels. Autorisant les services publics à distraire jusqu’à 0.5% du chiffre d’affaires pour aider plus démunis, le dispositif nouveau de la loi de 2010 (loi Cambon), augmente considérablement les disponibilités (jusqu’à 90 million d’euros par an) ; il permet aussi d’intervenir aussi chez des habitants qui n’ont pas de compteurs.

Pour Jean-Benoît Charrin, avocat suisse, la reconnaissance du droit à l’eau par les Nations Unies se traduit par le rapprochement de 2 branches du droit, celui de la santé et celui des droits de l’homme. Le premier pas en avant est d’améliorer l’accès à l’information, qui exige l’intervention de profils professionnels inter-sectoriels pour assurer la liaison. Le second est d’améliorer l’accès à la participation, ce qui suppose une organisation de la société civile pour faire l’intermédiation entre l’Etat et la population. Enfin la troisième étape est l’amélioration de l’accès au contrôle administratif et judiciaire : la responsabilisation des autorités ne doit pas conduire à faire des procès tous azimuts, mais progresser en commençant par des contrôles d’experts, puis en recourant à des ombudsmen, en enfin en allant éventuellement au tribunal. 

Kristalina Georgieva, commissaire européenne à la coopération internationale, à l’aide humanitaire et aux crises, a indiqué pour sa part que dans le domaine de l’eau, l’enjeu était de s’occuper des villes moyennes et petites et des populations rurales. S’appuyant sur l’exemple de son pays, la Bulgarie, où 40 à 60% de l’eau est perdue avant consommation, elle a estimé qu’il fallait suivre trois buts : les économies d’eau, la concurrence entre les gestionnaires des services (utilities), et le ciblage des plus vulnérables[1]. Elle a terminé en rappelant la mise en place d’un mécanisme de coopération européen pour soutenir les victimes de catastrophes. 

Le représentant de l’agence de l’eau de la Moldavie, Nicolae Laptedulce, a rappelé la situation de son pays : des eaux souterraines insuffisantes car mal réparties, et de mauvaise qualité. D’où une stratégie nationale de transferts d’eau depuis le Dniestr : un aqueduc de 72 km dessert les deux villes principales, et on veut raccorder 5 villes de plus soit 200 000 hab. Pour cela il faut étendre le réseau existant (coût de 3.5 md €), et améliorer les traitements de l’eau. Tout cela requiert l’intervention d’investisseurs étrangers[2].

Bogachan Benli, représentant de la coopération internationale suédoise, SIWI, a conclu sur la nécessité de promouvoir des solutions locales qui puissent être mises en œuvre avec les moyens dont on dispose.

Les questions de l’auditoire : on a d’abord évoqué la construction préalable d’institutions de type communautaire pour la mise en place de solutions autonomes ou semi-collectives, sans perdre de vue l’objectif d’atteindre un niveau d’organisation de type service public. Puis un participant a évoqué longuement le cas des communautés Roms en Seine St Denis, concluant par une proposition de leur accorder des mètres cubes gratuits ; ce qui a entraîné un petit débat sur l’utilité ou non des tarifications par tranches croissantes. Mais Henry Smets, présent dans la salle, est resté silencieux.

La séance s’est conclue par la présentation par Marie Favrot, d’un ‘guide de bonnes pratiques’ de la CEE – NU, consacré à l’accès équitable à l’eau et à l’assainissement dans la région pan-européenne, auquel son ministère (Santé, emploi, solidarité) a contribué. Aucun laissé pour compte, son titre, résume l’ambition de cette session n°7 du processus Europe.

Bernard, professeur à AgroParisTech-ENGREF


[1] Ce discours répétant le catéchisme libéral porté par les ‘bons élèves’ de l’adhésion à l’Union nous paraît pitoyable : qu’est-ce que ça veut dire, la concurrence entre les utilities dans ces zones pauvres qui n’intéressent aucune entreprise privée ???
[2] Là encore, on ne peut manquer de se demander s’il ne s’agit pas simplement de défendre des ‘solutions’ de génie civil coûteuses et qui ne traitent pas du problème des populations démunies des petites villes et des campagnes ; d’autant qu’on ne voit pas quels investisseurs étrangers viendront en Moldavie.

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