L'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée & Corse, établissement public de l’Etat, incite et aide, à l’échelle de ses bassins versants, à une utilisation rationnelle des ressources en eau, à la lutte contre leur pollution et à la protection des milieux aquatiques.

lundi 26 mars 2012

Coca-Cola Company, responsable du droit à l’eau ?

PNUD - Accès à l'eau et à l'assainissement : les gouvernements sont-ils les seuls responsables ?
Mercredi 14 mars

Nous avons été surpris par le contenu de cette session, qui portait pourtant un intitulé limpide : « Accès à l’eau et à l’assainissement : les gouvernements sont-ils seuls responsables ? ». D'abord, la session a démarré, de manière un peu abrupte, par la présentation du partenariat « Every Drop Matters » (chaque goutte compte) entre le Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD) et la société multinationale Coca-Cola. Ensuite, ni gouvernement ni collectivité locale n'étaient présents à la tribune... Cette session semblait mettre en avant le rôle providentiel du secteur privé, et plus particulièrement celui de la firme Coca Cola. Pour répondre à l’objectif fixé de rendre aux communautés locales une quantité d’eau propre, égale à celle utilisée pour son activité, la multinationale a signé un partenariat avec le PNUD consistant à financer des projets améliorant l’accès à l’eau et à l’assainissement dans une vingtaine de pays. Il s’agissait de présenter une « situation gagnant-gagnant » (bien que cette expression, pourtant très répandue, n’ait été utilisée).

Les différents intervenants n’ont pas répondu à la question posée par l’intitulé de la rencontre, mais ont plutôt présenté un type de partenariat public-privé où le secteur public était représenté par une organisation internationale. Autocongratulation et « success stories » étaient au rendez-vous et n’ont pas laissé de place à la critique. Heureusement, nous avons pu approfondir nos questionnements grâce à un entretien avec Jihan Seoud, intervenante travaillant pour le PNUD au Liban.

Quel type de responsabilité devrait avoir le secteur privé ? En effet, si la responsabilité du gouvernement d’assurer un accès à l’eau et à l’assainissement pour tous est claire, celle des entreprises l’est moins. La responsabilité sociale des entreprises (RSE) a été éludée en préambule de la session, l’argument étant que le programme de Coca-Cola n’avait pas été mis en place dans un souci de RSE mais parce que l’entreprise comprenait combien elle dépendait de la ressource en eau pour ses boissons et qu’il était dans son propre intérêt de la protéger, autant que de protéger la population locale, potentielle cliente des produits Coca-Cola. La responsabilité des entreprises vis-à-vis de leurs clients n’a pas non plus été abordée dans la mesure où Coca-Cola n’est pas une entreprise du monde de l’eau qui a des obligations de service stipulées dans un contrat envers les populations locales.

L’intervenante libanaise nous a invités à avoir une vision pragmatique : les externalités positives des entreprises bénéficient aux populations locales. Comme cela a été montré par Jared Diamond dans son livre Effondrement (2005), il existe des cas de gestion remarquable de l’environnement par des entreprises motivées par leur propre intérêt. De plus, elle nous a fait remarquer que les entreprises privées se préoccupent désormais des communautés locales et de l’environnement, ce qui est probablement insuffisant mais constitue une première étape.

Mais qui croire, lorsque, à l’opposé, lors de la conférence « Droit à l’eau et sécurité alimentaire », organisée par le Forum alternatif mondial de l’eau, une représentante indienne de l’IATP (Institute for Agriculture and Trade Policy), nous a présenté la lutte menée par les habitants de sa région ayant abouti au blocage d’un projet de ce type ? Selon elle, le PNUD met en place des partenariats avec des sociétés privées car il ne possède pas de moyens financiers suffisants, tandis que la société Coca-Cola bénéficie de conseils gratuits du PNUD et d’une meilleure acceptabilité de ses projets d'implantation et de production.

Il est regrettable que cette personne, présente lors de la conférence au Forum officiel, n’ait pas été invitée à débattre. Le manque d’avis nuancés peut être assimilé à une forme de censure et donne des arguments aux militants du Forum alternatif qui qualifient le Forum officiel de forum marchand de l’eau, à la solde des entreprises privées. En cherchant à ce que le secteur privé finance l’eau et l’assainissement, les gouvernements semblent se déresponsabiliser de leurs devoirs envers la population, sans pour autant que leur responsabilité soit transférée au secteur privé.

Eudora, Master 2 Affaires internationales, Sciences Po Paris
Emmanuel, Mastère spécialisé PPSE AgroParisTech-ENGREF
Maguelone, Master 2 Affaires internationales, Sciences Po Paris

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